mardi 5 octobre 2010
Sin City, ou l'art critique
Pour critiquer l'Amérique, l'Amérique s'arme parfois de moyens redoutablement efficaces. Ce sont les mêmes que ceux qui ont fait sa renommée à travers le monde et que la critique utilise et que la critique vise ; étrange, mais diabolique, idée que de se servir, pour dénoncer ses adversaires, de leurs propres armes et de leur propre intelligence.
C'est cela, ce que Robert Rodriguez a réussi dans ce film où, pour dénoncer la violence et la bêtise des films dits "américains", on assiste à une surenchère de la violence qui, arrivant à saturation et débordant le spectateur, se transforme finalement en dérision et en parodie.
En apparence seulement, car ce serait trop simple si ce film n'était qu'une dénonciation ou qu'une parodie ; car la jouissance du spectateur est belle et bien là : la jouissance indéniable liée à tous les films de guerre, tous les westerns, tous les héros virils et toutes les héroïnes à la plastique idéale. Pour vaincre ce genre de film, le réalisateur a produit le meilleur d'entre eux, mêlant à la fois l'œuvre parfaite d'un certain genre et son dépassement.
L'accomplissement, le refus et le dépassement sont en effet bien présents jusque dans les choix esthétiques du film : le rouge sang atteint la perfection en quantité et surtout en qualité de couleur, on ne peut plus rêver sang ou chair plus rouges, plus puissants et plus fascinants tandis que l'image s'abstrait presque totalement dans un noir et blanc d'un contraste splendide d'où jaillissent des héros hors du commun, et même hors de l'extraordinaire américain.
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Oui. Un bon film. Mais fait-il partie de ceux qui méritent d'être encensés sur un blog d'un étudiant en photographie soigneux de ses choix cinématographiques. Tout le monde l'a vu. Tout le monde l'a aimé. Tout le monde a trouvé que Rodriguez avait mêlé "à la fois l'œuvre parfaite d'un certain genre et son dépassement". Si j'ai une critique à formuler, c'est que pour le coup tu choisis le consensus,tout en enfonçant des portes ouvertes. Rien à dire sur la justesse de tes propos.
RépondreSupprimerC'est vrai.
RépondreSupprimerMais ce n'est pas parce que tout le monde a aimé que je n'ai pas le droit d'aimer, et de le dire.
pardonne-moi si je ne m'abuse tchöbal,
RépondreSupprimermais pour avoir tout récemment revu ce film que tout le monde a aimé, je me suis dit que 1) pour une fois que tout le monde était pas trop con et savait ne pas s'interdire d'avoir du plaisir devant un film qui le mérite, ça pouvait valoir la peine d'être dit, et encensé, et que 2) qui d'autre qu'un photographe pour parler d'un film dont le génie est essentiellement photographique ?
1)Bien sûr bien sûr... Je considère juste qu'à la place de nous conseiller un film que l'on a déjà vu, il pourrait nous faire découvrir certains bijoux dont il a le secret.
RépondreSupprimer2)Je ne considère pas que le génie est essentiellement photographique, l'image y contribue grandement, mais la direction des acteurs (voix, intonations, démarches), le montage éclaté, le choix des musiques, et pour finir le scénario génial de Frank Miller participent de conserve à l'ambiance.
je ne tiens pas à "conseiller" des films mais plutôt d'essayer de les critiquer (activité qui est pour moi neuve et à laquelle vous pardonnerez les maladresses) sous un angle si possible original, intéressant et précis, c'est-à-dire bref et orienté.
RépondreSupprimersi le film a plu à beaucoup de monde c'est peut-être que parfois tout le monde n'est pas si con, mais je préfère croire que c'est le film qui est très réussi - les gens restent les gens.
Bon moi j'ai pas vu le film et j'irai pas le voir, parce que j'ai autre chose à foutre dans la vie que d'aller me gargariser devant un film qui fait l'apologie (discrètement) de ce qu'il prétend critiquer (ouvertement). Aussi bien que Tarantino, alors, ou encore mieux ?
RépondreSupprimerC'est parfait si tous les blérots post-modernes kiffent à mort l'ulra-violence gonflée aux bons sentiments... Je me demande si c'est pas dans la société du spectacle qu'il est dit que le spectacle absolu intègre la critique du spectacle. Comme TF1, en somme. C'est bien les gars,encore un petit effort et vous serez près pour le situationnisme. C'est beau la post-modernité, mais souvent ça ressemble au passé. Encore faut-il le connaître... le passé!
ou encore faut-il connaître le présent !
RépondreSupprimercar si c'est bien de connaître le passé, l'histoire et même la préhistoire, ça ne doit être que moyens et outils de plus pour juger le présent, et confondre Tarantino ou Rodriguez avec TF1, ça traduit bien un esprit malade.
TF1 ça n'a rien à voir avec l'ultra-violence ; ces films-là n'ont rien à voir avec les bons sentiments, justement.
Savourer la violence dans sa gratuité et son esthétique ; plutôt que d'essayer de lui trouver des fondements moraux, politiques, religieux, enfin fanatisants, quoi, ça c'est corrosif, mec !
effectivement rodriguez pousse la violence jusqu'à un sorte de paradoxe absurde, et je ne crois pas que ç'en soit une dénonciation implicite, mais plutôt (en tout cas chez miller) une forme d'expérience limite, et par cette limite justifier la violence, qui en plus d'être belle est rendue fascinante. Ces deux auteurs font je pense partie de toute une génération d'artistes pour qui la violence à une place énorme dans l'imaginaire américain ; blérot post-moderne je ne sais pas, mais l'ultra-violence, revendiquée jusqu'en devenir absurde me semble acquérir ici une vraie dimension artistique. tant mieux.
RépondreSupprimeril me semble en plus très très dur de descendre un film, et par lui un comics, sans en avoir ne serait-ce qu'un embryon d'idée propre ; je ne pense vraiment pas que ce soit une apologie (discours vectorisé), mais bien plutôt une expérimentation (discours réflexif) sur la violence en tant qu'expérience esthétique. bisous doux
RépondreSupprimerQue la violence est fascinante !
RépondreSupprimerOui... elle l'était aussi vers 1942 si je me souviens bien. Ou alors, elle était simplement fascisante, je ne sais plus très bien.
Un beau corps violent, un corps violant, c'est merveilleux, n'est-il pas ?
Jusqu'à temps qu'on soit soi-même violée. Mais ça fascinera toujours quelqu'un...
Allez, la gueguerre, les coucoups et les gros pétards qui fument ont encore de beaux jours devant eux.
J'adore aussi américan story x...
Pas vous ?
Pas trop...
RépondreSupprimerPour le coup la morale est vraiment trop américaine et simpliste.
si l'on part du principe que l'art doit être un mouvement-et donc émouvoir, je crois que la violence à quelque chose à voir avec l'art ; si l'art est violent, la violence est-elle de l'art ?
RépondreSupprimersin city- finalement guéguerre, coucoups et gros pétards, m'émeut, et je ne crois pas que ce ne soit qu'affaire de testostérone...
et puis le parallèle entre le film de rodriguez et la shoah va quand même un peu loin ; je parlais de violence fascinante oui si elle est circonscrite, si elle devient l'expression d'une forme de sensibilité ou bien de rapport à l'autre et au monde.
C'est un vrai problème la fascination de la violence, et je pense que c'est le même problème dans les guerres ou les massacres, en partie du moins.
RépondreSupprimerC'est pourquoi il faut y penser, y réfléchir, surtout ne pas nier cette force et posément savoir où se trouve sa limite.
Alerte ! La bien-pensance est partout ! Attention les gars, y a des limites à pas dépasser ! La violence d'accord mais la shoah, nan ! Là c'est mal !
RépondreSupprimerEh, les gars... une question. Qu'est-ce qui fait que les shoah sont possibles ? Hein ? Sinon des gars qui trouvent que c'est tellement fascinant la force brute, la violence. Lisez les somnambules de Broch, l'épisode de l'uniforme de Hesch (orthographe pas sûre). Ca c'est du costaud, pas du Tarantino, du vrai !
Allez! Amusez vous bien avec vos grosses népées!
Mais il est vraie que les belles femelles adorent les garçons qui sont des champions, des durs, des tatoués. C'est dans Belle du Seigneur que j'ai vu ça. Ca a dû changer puisque les jeunes d'aujourd'hui sont tellement différent des jeunes d'hier...
RépondreSupprimerChapitre 35 pour ceux qui veulent regarder...
y mettent des "s" en tout cas au pluriel, les jeunes d'aujourd'hui
RépondreSupprimeren tout cas t'as raison, violette, il vaut mieux pas en parler, de la violence, c'est connu depuis Freud, moins on en parle et mieux ça passe les petits trauma comme ça,
RépondreSupprimerun bon vieux tabou au nom de la sécurité d'état (et pourquoi pas justifier ça par la montée de l'antisionisme, tu serais parfaitement dans le vent), c'est ça qui nous sauvera de la troisième guerre mondiale !
bin oui c'était tout bête, y suffisait d'y penser...
Autant je ne suis pas entièrement d'accord avec Violette, autant ton dernier argument me parait limité. Ce que fait Sin City, ce n'est pas parler de la violence, en chercher une alternative, c'est simplement la montrer, et la rendre belle, voire admirable. Toute la mauvaise foi du monde ne me convaincra pas que Rodriguez, en mettant en scène ici l'ultra-violence, veut nous en détourner.
RépondreSupprimerentendu ce matin :
RépondreSupprimer"(...) Une nouvelle sensibilité se forme au spectacle des actes révolutionnaires : on esrt avide de chocs, avide d'ébranlements. S'ensuit une nouvelle définition du Beau : à l'ordre, à la mesure à l'harmonie classique succède la cruauté, la violence en tant que transgression morale et érotique, qui doit produire déplaisir et malaise chez le spectateur.(...)Le genre frénétique voit le jour, qui pousse à l'extrême goût du macabre, passions criminelles, et qui fait du bourreau, du hors-la-loi des figures romanesques, et dont s'inspireront Stendhal dans ses chroniques italiennes, ou encore Hugo dans L'homme qui rit ; un code héroïque se fonde qui n'a rien à voir avec la morale traditionnelle mais bien justement avec sa transgression (fascination pour les crimes, les faits divers, pouvant aller jusqu'au motif récurrent du viol de cadavre ; Chateaubriand ira jusqu'à parler d'une "fascination pour l'énergie du mal". Ce code esthétique trouvera son aboutissement dans l'apparition du Sublime, où le plaisir a partie liée avec le déplaisir, le malaise, voire l'angoisse du spectateur."
on parle ici du début du XIX° siècle ; violence, eh oui... quant à toi Violette, tu frises la mauvaise foi avec tes propos sur la shoah après avoir lancé le débat sur 1942
rodriguez a donc pour lui tout le romantisme et toute l'esthétique moderne
quant à ceux qui nous accusent de ne pas connaître le passé...
see you guys
Barthes, qui était plus sensible à la transgression et à la violence que vous tous réunis écrivait : "Je dirais que la violence elle-même est un code extrêmement usé, millénaire, anthropologique même : c'est dire que la violence en soi ne représente pas une figure de novation inouïe. Une attitude de destruction radicale de la culture m'apparaît comme irréfléchie, relativement inefficace, et qui n'a de valeur qu'expressive. A partir du moment où l'on se pose le problème en termes de tâche historique un peu plus ample, je pense qu'il n'y a pas d'autres solution que d'accepter cette fatalité de la culture. Il faut donc travailler à sa destruction ou à sa mutation de l'intérieur. De l'extérieur, l'attitude reste décorative."
RépondreSupprimerQu'on se le dise, à tous les anarcho-simplistes ou négationnistes de la violence qui nous écoutent.
Salut les filles,
RépondreSupprimerIl y a deux sortes de violence. La violence révolutionnaire et la violence bourgeoise. Je sais, c'est des vieilles catégories, mais après tout, hein ? si ça dit quelque chose du monde. L'une vise à la libération, l'autre à la servitude. C'est déjà un peu plus clair, non ?
Voilà la bonne question : Les films de merde où le spectateur jouit des belles gueules avec du beau sang dessus, c'est libérateur ou asservissant ? (ça existe, ça, asservisssant ? Bob t'as l'air d'être une star en grammatologie)
Le sublime romantique, Sade, Bataille ? C'est quoi au juste ? On jouit de quoi, la dedans ?
Hein ? Faudrait savoir...
Le problème de la transgression est en fait le problème de la limite, de la frontière. N'est transgressif que ce qui passe la limite. Mais c'est qui qui fixe la limite?
RépondreSupprimerC'est pas une bonne question ça ?
C'est toi Bob, qui fait l'arbitre des élégances?
Le problème c'est que la révolution veut avoir les mains propres veut rester à l'extérieur
RépondreSupprimerça marche pas ça marche pas
c'est bien d'être idéaliste mais ça n'est pas franchement productif.
après, à chacun de se fixer ses limites, de transgresser ce qu'il croit être juste de transgresser ; toute transgression est bonne en soi.
Passez outre, les enfants!
RépondreSupprimer(asservissant, ok)
on ne discute pas des goûts et des couleurs, c'est ça ?
RépondreSupprimerah, les femmes...
ce débat atteint des sommets de mauvaise foi, entre ceux qui nous accusent d'être des geeks lobotomisés adeptes de gros flingues et gros nibards et qui n'entendent, lorsque l'on dit "violence", que "donnez moi du sexe et du sang", et ceux qui pensent qu'il faut être lagarde ou michard, Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine ou encore donatien alphonse bataille pour avoir son mot à dire, je me dis qu'il est bien dur, bien dur de donner une forme actuelle à la violence dans l'art. allez va, "la [violence] nouvelle sera de situation, c'est à dire provisoire et vécue"
RépondreSupprimerAu fait, pourquoi faudrait-il donner une "forme actuelle à la violence"?
RépondreSupprimerC'est curieux cette idée...
Pis il me semble qu'il y a une différence entre problématiser la violence (c'est quoi, au fait, c'est quand, c'est comment qu'on représente et surtout, surtout : pourquoi ?) et accuser des mecs que d'ailleurs on connaît pas - et dont on pourrait, à bon droit, se foutre complètement.
Feuzez pas un nervousse brèquedane, les gars, on vous aime. Mais on désapprouve un peu la légèreté avec laquelle vous faites l'apologie de certains trucs qui sont, au moins, douteux...
C'est pas consensuel, ça ? Merci qui ?
par "donner une forme actuelle à la violence", j'entendais nouvelle époque = nouvelles moeurs = nouvelle forme de violence (par exemple, une jeune vierge perdue dans les souterrains d'un château des carpates, ça n'est plus fondamentalement violent ; larry clark (varions les sujets et faisons preuve d'à-propos) déjà un peu plus...) ; enfin moi je dis ça... je ne pense pas qu'il "faille" donner une forme actuelle à la violence, mais plus qu'une société se définit aussi (mais pas que) dans son rapport à la violence ; et je trouve souvent que l'art est un témoin privilégié de ce type de rapport. and god bless you all
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec toi françoi
RépondreSupprimerc'est d'ailleurs pour cela que certaines civilisations et cultures (artistiques mettons) restent incomprises les unes des autres. Et aussi (et surtout?) dans la BD et le cinéma (dans les derniers des arts à être rentrés dans le panthéon avec un grand A)... disons comme ça en passant la culture nippone comme exemple.
Bob,(arrête avec ah les femmes !)passer outre est la définition de transgresser... mouais mouais mouais...
Vous y croyez, vous, aux arts, avec un grand P ?
RépondreSupprimernon
RépondreSupprimerje comprends pas la question : vous dites que ça n'existe pas, l'art ?
RépondreSupprimernon c'est une histoire entre Panthéon et Art, enfin il me semble
RépondreSupprimerl'art avec un grand A, c'est comme Dieu...
mouais ça se discute
RépondreSupprimerça dépend ce que ça implique pour vous, le grand A
L'art avec un grand P, à mon avis, c'est quand même l'idée d'une transcendance, quelque chose qui dépendrait pas du jugement humain dans une époque donnée. C'est quelque chose comme le "monde des Idées" de Platon. Autrement, avec un petit a, c'est ce qu'une époque se donne à elle-même comme modèles de représentation. Dans ce sens là, pas de doute, la BD, le cinéma, et même le manga ou sin city, sont les arts d'aujourd'hui. Mais après tout, pourquoi pas? Pourquoi pas aussi la construction auto, la cuisine, la coiffure ou l'onglerie ? Chaque époque se donne les formes d'art qu'elle mérite.
RépondreSupprimeret la photo, donc ?
RépondreSupprimer"C'est toi qui l'a dit" Jésus de Nazareth à Ponce Pilate. 33 ap. J.C.
RépondreSupprimersi je puis me permettre votre traduction me paraît approximative, c'est le cas de toutes les versions "bon marché" des évangiles qu'on peut trouver à vil prix sur les échoppes le long de la Seine, à Nanterre ou à Pigalle... Ma Bible, tois millième édition de cette excellente version de M.Dewailly "l'usage du peuple chrétien" indique : "tu le dis".
RépondreSupprimerMerci.
Dans la T.O.B. (édition oecuménique) il est dit :
RépondreSupprimer"dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont ils dit de moi ?". Voilà pour l'exactitude bibliographique.