lundi 30 mai 2011

Still Life

Vanité moderne, par Sam Taylor Wood.

samedi 28 mai 2011

ashes to ashes


L'état de la culture



                Contrairement à ce que peuvent affirmer les éternels pessimistes, nous vivons un siècle de progrès. Les cinquante dernières années ont montré qu'en matière de recherche, de science, de médecine et de technologie le monde occidental est en plein ébullition ; même socialement, si les riches ont un peu perdu de leur raffinement exquis, les pauvres sont plus policés. Certes, l'on pourrait à la limite dire que les critères de la haute culture désintéressée sont sur le déclin, et qu'une telle perte ne saurait être compensée par l'amélioration du niveau moyen, et on aurait raison.
                Aucune grande culture urbaine ou aucune civilisation n'a  jamais existé sans division de classe, c'est-à-dire sans transmission héréditaire de la culture au sein d'une culture donnée. Cette position a bien évidemment été amorcée par Marx et aucun conservateur ni progressiste ne l'a jamais dépassée ; il convient donc de revenir à Marx.
                Marx fut le premier à souligner que c'est la faible productivité qui a rendu nécessaire à la civilisation la division en classes sociales : la grande majorité devait travailler dur pour permettre à une minorité de se livrer à des activités qui caractérisent une civilisation. On comprend que pour Marx la science et l'industrie devaient au terme du processus faire disparaître ces division en abolissant le travail à plein temps.
                D'autres personnes comme Spengler ou Toynbee ont pu écrire que le développement technologique ne peut affecter les bases formelles de la civilisation mais l'histoire ancienne du pré- ou du proto-urbain rend l'argument intenable : les premiers effets de l'innovation technologique ont généralement été de bouleverser l'ordre politique, social et culturel : les formes héritées perdent leur pertinence jusqu'à ce qu'apparaissent des formes inédites mais plus appropriées.
                La révolution industrielle, la plus vaste et la plus totale des révolution de la civilisation depuis le néolithique, peut expliquer pourquoi notre culture populaire sombre au fond d'un abîme de vulgarité et de faux-semblant. Si une forme de civilisation supérieure doit subsister, elle ne peut le faire qu'en s'adaptant aux conditions de l'industrie. Cela signifie certainement d'abord une société sans classe ; mais avant cela, la plus grande menace de la révolution industrielle sur la haute culture est l'accélération des mouvements d'ascension économique : dans la mesure où il apporte le bien-être social à un très grand nombre, l'industrialisme attaque la culture traditionnelle. On ne peut pas arrêter l'industrialisme dont les bienfaits sont trop évidents ; la solution opposée, marxiste, est d'intensifier et d'étendre l'industrie pour offrir à tous un confort et une dignité sociale.

                Avant l'industrie, les loisirs s'opposaient au travail et constituaient l'aspect positif de la vie mais les deux n'étaient pas aussi séparés qu'aujourd'hui, ce qui permettait d'intégrer au travail des attitudes désintéressées propres à la culture, ce qui le rendait moins contraignant. En outre les loisirs et le confort d'une minorité étaient d'autant plus positifs pour la culture qu'ils n'étaient pas perçus comme éléments antithétiques du travail.
                Le changement radical de l'industrialisme dans les vies quotidiennes a été la séparation absolue du travail et de la passivité par la notion de rendement. L'efficacité devint synonyme de travail et la passivité fut associée au loisir. Les riches eux-mêmes ont cessé d'échapper à la domination du travail, le prestige dépendant à présent plus de la réussite professionnelle que du rang social ; la loi de l'efficacité pèse comme un sentiment de culpabilité.
                Une société guidée par le travail rend difficile à maintenir une tradition culturelle orientée par les loisirs ; cette idée tend à relativiser le socialisme comme seule issue car rien ne garantit qu'il dissipera cette double angoisse de la rentabilité et du travail. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer la façon dont notre vie pourra cesser d'être organisée autour du travail.
                Ainsi, la solution pour sauver la culture serait d'en déplacer le centre de gravité carrément au sein du travail, au risque d'en modifier fondamentalement la nature. Aujourd'hui, toutes les activités de l'homme se sont distinguées  et parfaitement émancipées mais voici que l'industrialisme a recréé une société où tout le monde travaille, comme à l'origine, avant la division du travail ; ne devient-il pas alors nécessaire de combler l'écart entre travail et loisir ? et comment cela serait-il possible si ce n'est par la culture, dans son sens le plus authentique et le plus élevé ?

Clément Greenberg, 1953, in Art et culture

jeudi 26 mai 2011

le bonheur pleure



Au fait, il s'agit de Mauvais sang, de Leos Carax

mercredi 25 mai 2011

lundi 23 mai 2011

Mainstream - la fatigue


























Pour un projet collectif avec ma promo, sur le thème Mainstream, voici la première image que je proposerai, abordant le mainstream social.

dimanche 22 mai 2011

Mauvais Sang


le rêve qu'on appelle nous

des ombres de rien
des ombres de grain qui se suivent


un pas en avant
les lèvres de pluie
un pas en avant ceci est une berceuse pour les enfants de cuir hermétiquement bouchés
une rue de moins

un pas en arrière
la douleur au prochain
un pas en arrière
dire ce qui passe par la tête pourvu que ce ne soit en vain

dire n'importe quoi
sans desserrer les lèvres
il y a déjà eu les lèvres de pluie
et nous en sommes restés là
ce ne sera pas pour toujours le verra bien qui verra la fin
pourvu que personne n'entende
le vent les essuie
avant après
n'importe comment 
Tristan Tzara, grains et issues

mercredi 18 mai 2011

mardi 17 mai 2011

lundi 16 mai 2011

dimanche 15 mai 2011

jeudi 5 mai 2011

A la manière de ?



























Encore un exercice de studio, encore avec le H3D, certainement un "à la manière de" mais je ne me souviens plus de qui... un cadeau à celui qui retrouve !
ça devait être à propos de travesti... Klein ? Mapplethorpe ?

mardi 3 mai 2011

Moyen-format numérique


























Travail de studio avec Antoine Katarzinsky au H3D, moyen-format numérique de 40MP ; lumières d'après d'Olivier Roller.
Le reste des photos ici.

lundi 2 mai 2011




























Jimmy Corrigan, l'anti-héros de Chris Ware

Société de consommation, démocratie et mainstream

Avant-garde et kitsch


Un paradoxe incroyable permet qu'une même société produise des choses aussi diverses qu'une chanson de Michel Sardou et un tableau de Pierre Soulages, et que toutes ces choses appartiennent bel et bien au domaine de la culture. Que signifie cette disparité ? Est-elle un phénomène nouveau ?

I

Notre société a aujourd'hui perdu la faculté de justifier la nécessité de ses formes particulières : la religion, l'autorité, la tradition, toute certitude devient fragile. Il ne reste plus rien de stable à l'artiste par rapport à quoi il puisse se positionner. Dans cette décadence, quelques artiste ont refusé l'académisme glacial qui semble en être la conséquence historique : dans ce dépassement est né un phénomène totalement nouveau, l'avant-garde.
L'avant-garde est la conséquence d'une conscience supérieure de l'histoire qui anima d'abord la bohème et qui montra que l'ordre social bourgeois n'était qu'un mode de vie éphémère, permettant ainsi la formation du concept même de "bourgeois" et son abandon par l'avant-garde. Il est vrai, toutefois, qu'après s'être en effet détachée de la bourgeoisie, l'avant-garde a répudié de la même façon la pensée révolutionnaire. En effet, pour maintenir le niveau élevé de leur art, une certaine avant-garde l'a raréfié en l'élevant à l'expression d'un absolu vide de tout contenu social ou historique : l'art abstrait essaie d'imiter Dieu en créant quelque chose qui ne vaille que pour soi. Le contenu se dissolvant parfaitement dans la forme de l'œuvre, celle-ci n'est plus réductible ou résumable à rien d'autre qu'elle-même.
Mais en terme d'absolu, l'artiste n'est pas Dieu et il se réfère toujours à des valeurs qui sont des valeurs esthétiques ; il détourne son attention du contenu pour l'appliquer aux moyens de sa pratiques, à la recherche de son médium.
Cet état de fait porte pourtant en lui les germes de l'académisme qu'il fuyait, si ce n'est que l'avant-garde bouge là où l'académisme reste immobile. Il est tout simplement stupide ou malhonnête de nier cette tendance et sa nécessité esthétique par des adjectifs tels que "formalisme" ou "purisme". Ce qui ne signifie pas, loin s'en faut, que cela soit à l'avantage social de l'avant-garde.
Si l'art dans sa forme de développement a toujours été reçu en grande majorité pour un élite cultivée, cette spécialisation symptomatique fait que la culture est en train d'être abandonnée par ceux-là même à qui elle appartient vraiment, c'est-à-dire la classe dirigeante de qui l'art a toujours besoin pour avoir une base sociale et économique stable. Cela ne signifie pas que les moyens de production sont aujourd'hui fermés aux avant-gardes, mais que celles-ci, sentant leur public leur échapper, deviennent chaque jour plus timorées.

II

Là où il y a une avant-garde, on trouve généralement une arrière-garde à laquelle les allemands ont donné le nom de "kitsch" ; il s'agit d'un art et d'une littérature populaires, aguicheurs et commerciaux. Le kitsch est un produit de la Révolution industrielle qui a diffusé l'alphabétisation des masses ; auparavant, la culture formelle - par opposition à la culture populaire - n'avait pour marché qu'une seule catégorie d'individus. Puis l'alphabétisation ne fut plus l'apanage du raffinement, les classes populaires apprirent à lire par souci d'efficacité et perdirent dans l'ennui le goût pour la culture populaire traditionnelle sans pour autant accéder aux loisirs et au bien-être raffiné. La société nouvelle devait leur fournir une culture adaptée : un succédané de culture, le kitsch, dénué des valeurs culturelles authentiques mais offrant un divertissement que seule la culture peut offrir.
Le kitsch utilise les simulacres appauvris et académisés de la culture véritable, il fonctionne par formules mécaniques. C'est le ramassis de tous les faux-semblants de notre temps, il n'exige pas le temps de ses clients, rien si ce n'est leur argent.
Pour exister, le kitsch a besoin d'une longue et riche tradition culturelle dont il peut détourner les découvertes ; la possible production mécanique et industrielle du kitsch en fait un rouage majeur de notre société, soutenu par un énorme dispositif de vente qui exerce sa pression sur chaque membre de la société. La manne financière considérable que représente le kitsch en fait une tentation majeure même pour les membres des avant-gardes qui y cèdent parfois.
Il est indéniable que le kitsch a un pouvoir de diffusion exceptionnel, mais on ne peut pas seulement expliquer cette virulence par le prestige de l'occident ou l'appât du gain des artistes ou les bas prix pour les clients. Kurt London avançait que l'éducation prodiguée aux masses ne leur permettait pas d'accéder aux vrais plaisirs de la culture. Ce qui justifie la cohérence des goûts et des valeurs esthétiques depuis des siècles se trouve sans doute dans la séparation entre ce qu'on peut trouver seulement dans l'art seul et les valeurs qu'on retrouve partout. D'ailleurs, si l'éducation joue sans aucun doute un rôle le point le plus important tient en ce que le kitsch a réussi à gommer cette frontière traditionnelle entre l'art et la vie.
Si le prolétaire ignorant préfère le kitsch à l'art véritable, c'est qu'il reconnait une image dans laquelle il peut se projeter, il n'y a plus discontinuité entre l'art et la vie, l'œuvre d'art ne demande plus d'effort spécial de la part des spectateurs, ravis par l'abondance de significations évidentes soulignées à coups d'effets dramatiques. En fin de compte, on pourrait dire que les valeurs ultimes qu'on peut tirer de Picasso sont le résultat d'une réflexion à partir de l'impression immédiate laissée par les qualités plastiques ; elles y sont projetées, réfléchies par le spectateur sensible tandis que le kitsch prémâche tout le processus artistique et donne à voir tout de suite l'effet recherché.

III

Une société qui fonctionne bien est assez stable pour garder fluide les contradictions entre ses classes et atténue le fossé culturel qui les sépare : la classe pauvre partage superstitieusement les valeurs de la classe riche, et cela vaut aussi pour la culture plastique, matériellement accessible à tous. Au Moyen-âge, les sujets imposés étaient en quelque sorte un hommage à la culture collective ; et précisément parce le sujet lui était imposé, l'artiste était libre de se concentrer sur son médium qui était finalement l'essence même de son travail. Une véritable scission se fait quand l'art abandonne la représentation réaliste, l'homme ordinaire perd le respect qu'il avait pour l'art, mais son ressentiment est encore étouffé par l'admiration qu'il éprouve pour les commanditaires de cet art, jusqu'à ce qu'il remette en cause l'ordre social. Critiquant ses maîtres, il critiquera leur culture, et cette colère contre la culture va souvent de pair avec une forme réactionnaire de mécontentement social qui s'exprime dans le retour à la religion, au puritanisme et, finalement, au fascisme.

IV

Revenons à la question de l'éducation : imaginons un paysan pauvre à qui l'on ait appris que Picasso valait mieux que les scènes de guerre de David. Bien vite, il trouvera que ses longues journées de travail ne lui laissent le loisir ni la force ni le confort d'apprécier vraiment Picasso. Il n'aura pas le temps ou la concentration pour apprendre la grande culture, qui est la plus artificielle de toutes les créations humaines. Il exigera un plaisir sans effort et reviendra bien vite à la peinture réaliste et au kitsch. Aucune éducation ne pourra changer cela tant que les problèmes de production n'auront pas été résolus en termes socialistes. 

Clement Greenberg, Art et Culture, 1939

dimanche 1 mai 2011

Norbert Ghisoland l'anthropologue



Norbert Ghisoland a photographié au tournant du siècle un monde, celui des mineurs belges dont il était lui-même issu. Certains par ici trouveront sûrement encore que ces photos présentent une fois de plus le monde ouvrier et "la misère" de manière trop belle ou trop enjolivée, moi je trouve cette naïveté et cette sincérité touchante, émouvante, poignante.

United States Power


Mitch Epstein traite de l'énergie aux Etats-Unis, et gagne l'immense prix Pictet.

Je est des autres


Assemblages par Maurizio Galimberti.