dimanche 31 octobre 2010

ton souvenir ton rire


8 juin :
première semaine, départ tout frais de toulouse
semaine assez éprouvante. alexis et chloé sont de mauvaise humeur. je ne me sens pas encore en phase avec le voyage.
aire d'autoroute de venise : l'italie a été longue et difficile ; les gens désagréables, les autoroutes chaudes et poisseuses
puis, une voiture qui va à Sarajevo, on paye tous un peu. on passe des douanes, une quinzaine d'heures de trajet.
nous sommes tous très serrés, fatigués ; il fait très chaud.
on dort, on se réveille, le temps perd son sens.
on est maintenant en croatie.
l'excitation se mêle à la fatigue, au rythme décalé, la vitesse la route qui défile sans arrêt ; l'hystérie un peu
alexis me fait beaucoup rire.

samedi 30 octobre 2010

tire la draperie de nuage sur la froide ménagerie


16 août :
l'italie, premier rempart aux mondes inconnus, dernier est avant l'orient
déjà derniers signes de notre occidentalité
déjà premiers signes d'une étrangeté dans laquelle nous nous enfoncerons toujours plus profond
la beauté tout de même d'un ailleurs, une langue que j'aime
des paysages bruissant d'épaisses histoires, les collines inquiétantes
le contraste des ciels là-bas
j’entends encore la scie à nuages

vendredi 29 octobre 2010

derrière les voitures il y a nous


4 juillet :
il y a toujours des voitures qui continuent et nous laissent derrière
et derrière nous des voitures qu'on a laissées des routes des visages des familles
des choix à faire
et puis l'individu auquel ils réfèrent. nous.
notre solitude le sol la réalité sur laquelle nous sommes plaqués
et l'excitation de repartir de zéro
toujours de zéro

jeudi 28 octobre 2010

J'ai tant rêvé de toi




"de tes yeux aux miens le soleil s’effeuille
sur le seuil du rêve sous chaque feuille il y a un pendu
de tes rêves aux miens la parole est brève
le long de tes plis printemps l’arbre pleure sa résine
et dans la paume de la feuille je lis les lignes de ta vie "

mercredi 27 octobre 2010

Plus tu t'éloignes et plus ton ombre s'agrandit




Jamais d’autre que toi en dépit des étoiles et des solitudes
En dépit des mutilations d’arbre à la tombée de la nuit
Jamais d’autre que toi ne poursuivra son chemin qui est le mien
Plus tu t’éloignes plus ton ombre s’agrandit
Jamais d’autre que toi ne saluera la mer à l’aube quand fatigué d’errer moi sorti des forêts ténébreuses et des buissons d’orties je marcherai vers l’écume
Jamais d’autre que toi ne posera sa main sur mon front et mes yeux
Jamais d’autre que toi et je nie le mensonge et l’infidélité
Ce navire à l’ancre tu peux couper sa corde
Jamais d’autre que toi
L’aigle prisonnier dans une cage ronge lentement les barreaux de cuivre vert-de-grisés

Quelle évasion !
C’est le dimanche marqué par le chant des rossignols dans les bois d’un vert tendre l’ennui des petites filles en présence d’une cage où s’agite un serin, tandis que dans la rue solitaire le soleil lentement déplace sa ligne mince sur le trottoir chaud
Nous passerons d’autres lignes
Jamais jamais d’autre que toi
Et moi seul seul seul comme le lierre fané des jardins de banlieue seul comme le verre
Et toi jamais d’autre que toi.

mardi 26 octobre 2010

Face à l'œuvre de la mort


"La seule certitude reste la prédominance de l'expérience sur la poésie, de la matière sur la pensée. Je m'engage dans une traque aléatoire, confronté aux chorégraphies sensuelles et psychotiques dont je suis, tour à tour, prédateur avide et spectateur fasciné. Je me préoccupe de ce qui me dépasse, pas de ce qui m'entoure. La lucidité ne s'atteint que dans les limites de soi. J'extrais de l'obscurité des formes intelligibles, cède à mes instincts, à l'urgence d'exister. Je brise l'étau de l'enfermement, me libère de l'épuisement engendré par la soumission. Dans ces territoires obscurs où se décomposent la chair, le verbe et la pensée, les cris aphones, impuissants à énoncer l'indicible, sont l'expression crue du sentiment insupportable de trop ou de ne pas être. Dans un chaos sclérosé, huis clos crasseux où l'ivresse se heurte à l'obscurité, les membres raidis pas le désir fouillent le néant, et la mort s'invite au banquet funéraire de la chair. Une meute de figurants invisibles se débat, constellation d'intimités dévoyées et violentées. Parias ou esclaves, ils ne sont armés que de leur fragilité et de leurs blessures. Par l'excès, outil de connaissance et de transgression, ils ont un accès privilégié à la conscience d'être. Ils satisfont les turpitudes de hordes de clients affamés, rentabilisent leurs corps mutants et s'injectent, entre deux doses irraisonnées de silicone, les drogues exquises qui provoquent lucidité et distance. Sur leurs visages, les orbites sont creusées par les faims inassouvies et les sommeils refoulés. Dans leurs pupilles transparentes se reflète la mort. L'âme et le corps meurtris, ils se dissolvent dans les chambres claustrophobes. Ils outrepassent les frontières acceptées du sexe et monnayent un passage rituel sur vers leurs cœurs autistes. Je baise avec ces êtres mortifiés, stoïque, happé par le vide, en prise à la terreur. Je me nourris de leur chair, m'abreuve des fluides de leurs corps, antidote au silence noir qui pèse sur le monde civilisé. Dans cette guerre larvée, seules les putes fécondent la matrice sociale de leur force barbare. Elles s'adonnent au blasphème idéologique et l'assouvissement animal dans une nuit épaisse, imperméable à l'ordre et à l'anesthésie des sens. Face au pouvoir politique et religieux, j'en viens à considérer la réalisation d'images pornographiques comme alternative ultime à l'obscénité de rapports sociaux basés sur la frustration et le désir inassouvi. L'instinct et bestialité sont les derniers espaces de liberté, l'ultime rempart contre la virtualité rampante du réel. Et le geste pornographique est la seule posture morale susceptible de mettre au jour un rapport entre les êtres débarrassé du romanesque et du social. Seul le mensonge est obscène. En ces temps où l'économie impose le regard comme l'outil illusoire d'appropriation du monde, la conscience est condamnée à l'action. Seul le mélange des corps reste hors d'atteinte de l'Histoire, enraye l'effacement, reconstruit le désordre. Je relève les traces anthropométriques (la chair) et topographiques (le vide) de ces collisions. Ne pas considérer la chose mais l'avaler entière. Donner la mesure de l'aberration. La matière est là, dans les ornières du réel : érotismes, orgasmes, sacrifices. Par l'accoutumance tenace à la douleur et à la jouissance, je décortique la mécanique de corps devenus pantins, en traque les convulsions. J'avance dans l'obscurité avec la perspective confuse d'un nouvel usage de l'art par l'excès. J'endosse les habits du saint, les habits du fou. Ni complice ni spectateur, je partage l'épaisseur de la nuit de la victime. Face à l'œuvre de la mort, je ne me réfugie ni dans le mensonge, ni dans l'oubli. Face au conformisme de la lâcheté, j'ai la rage du désespoir. Aucune tendresse particulière pour la photographie mais le besoin de faire cracher à l'appareil ce qui n'a pas été dit."

lundi 25 octobre 2010

Transgression


















"Par la transgression de la frontière séparant ordinairement le photographe de son sujet, je suis devenu l'objet de mes propres images. En faisant irruption dans l'image, je prends place dans le monde, j'en réinvente l'usage, je me libère d'une logique qui substitue la peur au désir. C'est un rapport impur qu'affirme en dernier lieu cette relation avec mon personnage. Dans notre confrontation permanente, il prend doucement le dessus. Dans cet espace où prend forme la tension entre réalité et fiction, je renonce à mon identité et je deviens ma propre surface sensible. Je fouille le réel. J'organise la possibilité que les événements adviennent. J'extirpe la matière de situations vécues et détournées pour affirmer, finalement, la prédominance de l'expérience vécue sur l'art. Je documente ce que je vis, et vis chaque situation dans le dessein de la documenter. Les stratégies sont nombreuses : mise en scène de l'interdit, dramaturgie de l'irreprésentable, divorce entre mode narratif et autobiographique. L'appel de l'impossible me conduit vers une vérité dont chacun préfère ordinairement se détourner. Une telle pratique n'est ni pure, ni inoffensive. La photographie qui naît de cette expérience est en même temps sa condition de possibilité, toujours biaisée. La photographie s'est greffée sur ma vie, s'en nourrit comme d'une chair vivante. Solitude, désir, perversion, obsession, manque, errance, douleur. Rituel, risque, jouissance, lucidité, distance, indifférence. Vide, obscurité, inconscience, extase, mort. Écriture automatique et narcotique. Les gorges et les hanches s'offrent au moins offrant. Les maquillages agonisent et les corps se liquéfient sur des danses dénaturées. Les parfums de foutre et les cristaux illégaux donnent à la salive un arrière-goût de codéine et d'abstinence forcée. Et, toujours, la peur de retrouver la chambre d'hôtel, le remords sournois d'être encore éveillé. J'improvise sur la partition vierge d'une autre nuit blanche. J'attends le mirage de l'aube. La nuit se lit comme la décomposition, éclatée dans le temps, d'un fix d'héroïne. La distance que j'instaure dans mes rapports les plus intimes au monde, le filtre pervers d'une lucidité hallucinée, la force, la résistance, la patience, la capacité au silence, la fascination pour le néant, me viennent de ces substances toxiques. Elles me laissent dans un état proche de celui où se morfondent mes personnages désemparés. Elles sont la matière d'un récit inabouti d'interactions brèves et douloureuses avec le monde. Seul l'imaginaire peut dévoiler l'impossible réel. Il nous faut, pour le nourrir, traverser le monde, le réinventer et en jouir, littéralement. La fiction n'est légitime que si elle s'appuie sur un engagement forcené. L'art ne peut être jugé que comme un compte-rendu autobiographique. Il est un outil, pas une fin en soi. Il permet d'identifier les failles et les fissures qui ouvrent l'accès à une réalité cryptée, et de s'y immiscer. Il permet de reformuler notre interdépendance avec le monde et d'en découvrir de nouveaux usages. Il définit les territoires propices à la lutte féroce qui oppose, à chaque instant, les forces subtiles de l'abstraction du monde et du puritanisme libéral au chaos et aux mécaniques de la chair. L'instinct animal est le dernier rempart contre l'idéologie, seul susceptible de défaire les carcans insidieux de l'esprit et du regard. Il est l'ultime refuge des ombres fragiles qui, promises aux bidonvilles d'un au-delà illusoire, échappent à la pornographie sociale par la réappropriation du corps. Dans ces zones franches, les hommes et les femmes, rouages déshumanisés des économies et des religions globales, s'affranchissent du manque physique et ouvrent l'accès aux derniers rites magiques."

dimanche 24 octobre 2010

Situations


"Le monde se condamne au voyeurisme devant un flux iconographique continu qui provoque la dégénérescence lente du réel. Fantasmagorique, sans profondeur ni substance, le visible perd de sa matérialité. La sophistication des logiques d'exploitation est privée de toute autre fonction que perpétuer le manque, l'impuissance stupéfaite et l'accumulation infinie de regards sans objet. Instrument du contrôle social et parodie de la structure économique dans laquelle elle s'inscrit, la photographie nourrit la transparence obscène d'un système totalitaire et ultra communicationnel. Sous couvert d'objectivité et de matérialité, elle n'a jamais été que mensonge et faux-semblants : l'espace y est amputé, le temps manipulé. Du territoire obscur entre l'événement et sa représentation, naissent les discours mystificateurs qui relient l'expérience à la conscience mais font abstraction de notre capacité à vivre. Complices de l'ordre établi, ils justifient des regards cyniques commandés par l'intérêt économique de clients, de commanditaires et de marchands. Ce qui rend urgente la mise à nu des contradictions inhérentes à la fonction du photographe documentaire, célébré pour retranscrire des réalités complexes, alors qu'il ne relate qu'une somme d'expériences. Il prétend informer, mais déforme, et participe d'une entreprise généralisée de manipulation et de propagande qui est au cœur de la part la plus sombre de la conscience contemporaine. La redéfinition du réel passe par la redéfinition de soi, mais la photographie ne se limite pas à l'expression de soi. On ne peut saisir sa logique sans revenir au contexte de la prise de vue. L'exploration de son mode de production est un outil essentiel à sa définition. Elle se définit à travers et au sein même de l'acte où elle naît, implique le sacrifice de la raison au profit de l'expérience, n'a de sens que comme retranscription d'une présence au monde, révèle notre position dans l'ordre social et physique. Seule une photographie lucide sur les conditions troublées de son expérience entre l'œil et le regard, la machine et l'inconscient, et l'impureté fondamentale de son rapport au réel et au fictif, peut traduire la scission par le mélange des corps, des sentiments, des civilisations. La photographie, art de la présence et de l'instant, ne peut être qu'une affaire de gestes. Face à l'infection spectaculaire, elle est condamnée à être subversive, asociale, érotique, immorale. Elle est le langage de l'instinct et de la jouissance contre l'ordre puritain.Elle se dérobe à la violence organisée du système, acère la conscience de la mort insidieuse et mentale que distille le pouvoir, et confronte l'ignominie révélée de la chair. De sa capacité à s'inscrire dans une réalité, à la pervertir par sa présence, dépend le sort du photographe. C'est le seul engagement possible. La dépense est un remède à la peur, à la misère physique et morale du corps sociale, au progrès économique. L'inventaire du monde est une mécanique qu'enraye l'idée de moralité et j'engage le même protocole inépuisable; traversé d'expériences dont le dénominateur commun est l'excès. Dérive narcotique et nodale, trajet inabouti du désir à la conscience. Sans attaches, rescapé d'un long périple, je collecte des images ivres, morceaux épars d'une identité aussi atomisée que les territoires que je parcours. Je m'épuise dans l'étrangeté de signes, de lieux, de langues insondables. Il n'y a ni dieu ni indulgence dans la nuit. Le corps à corps qui s'y livre est un déplacement incessant de la frontière entre les autres et moi-même. Le centre du sujet conscient et rationnel disparaît, éclaté toujours, dans l'entre-deux de rencontres éphémères. Le geste photographique devient équivalent à l'acte perceptif même. Recherche effrénée du sentiment d'appartenir à la vie, dans la vie, en vie."

samedi 23 octobre 2010

Interior


"L'endroit le plus érotique d'un corps n'est-il pas là où le vêtement baille ?Dans la perversion, il n'y a pas de "zones érogènes" ; c'est l'intermittence, comme l'a bien dit la psychanalyse, qui est érotique : celle de la peau qui scintille entre deux pièces, entre deux bords ; c'est ce scintillement même qui séduit, ou encore : la mise en scène d'une apparition-disparition."

vendredi 22 octobre 2010

mais à quoi don trompette des saisons


18 août :
"troupeau de villes et villages paissant à l’ombre d’un dieu herbivore
un dieu pas plus grand qu’une feuille de chêne
pas plus lourd qu’un grincement de grillon
pas plus riche qu’une boutonnière de douve
pas plus grand qu’une niche de diamant
et que de souffrances inutiles sur cette fleur d’archipels et d’îlots
tombée avec quelques gouttes d’eau dans l’azur sans fracas
le monde les continents les océans les bagnes "

jeudi 21 octobre 2010

les pieds les charettes les tracteurs



17 juillet :
"les cloches sonnent sans raison et nous aussi
nous marchons pour échapper au fourmillement des routes
avec un flacon de paysage une maladie une seule
une seule maladie que nous cultivons la mort
je sais que je porte la mélodie en moi et n’en ai pas peur
je porte la mort et si je meurs c’est la mort
qui me portera dans ses bras imperceptibles
fins et légers comme l’odeur de l’herbe maigre
fins et légers comme le départ sans cause
sans amertume sans dettes sans regrets sans
les cloches sonnent sans raison et nous aussi
pourquoi chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne
sonnez cloches sans raison et nous aussi
nous ferons sonner en nous les verres cassés
les monnaies d’argent mêlées aux fausses monnaies
les débris des fêtes éclatées en rire et en tempête
aux portes desquelles pourraient s’ouvrir les gouffres
les tombes d’air les moulins broyant les os arctiques
ces fêtes qui nous portent les têtes au ciel
et crachent sur nos muscles la nuit du plomb fondu "

mercredi 20 octobre 2010

l'absence


13 août :
la solitude. le voyage de soi avec soi. l'épuisement de soi.
la fatigue des photos jours après jour, seconde après seconde, pas de repos pour le chasseur d'instant. l'usure du corps et de l'esprit. 
la limite de l'incompréhension ou de la folie, le langage qui me quitte, toute pensée qui se démantèle.
la route qui n'a pas de fin, les gens toujours identiquement gentils, toujours identiquement méchants. je ne veux plus me présenter à des gens qui ne me comprennent pas et que je ne comprends pas.
je n'ai plus l'énergie pour communiquer de cette manière.
et le ciel si bleu toujours pareil à un ciel bleu. les cercles qui se referment autour de moi, les soirs qui tombent, 
la fatigue, l'inépuisable puits de la fatigue.
la route.

femme moment rêvés


22 juillet :
suspendre l'instant, l'étirer en éternité, réduire le monde entier en cadrage, goûter la lumière, rêver aux lignes et aux reflets, que le détail soit l'idéal de notre vie, que chaque plus petit moment nous soit vie entière, que l'imagination en soit fécondée pour le plaisir, pour la beauté, pour la mémoire, 
par la photo.


lundi 18 octobre 2010

des embrasseurs de chimères, des gobeurs de braises


1er juin :
DEPART
je pars avec alexis et chloé ; compromis à venir de la vie en communauté, je le sais d'avance, mais surtout expérience inouïe de vivre avec eux pour des mois sans jamais les quitter d'un centimètre, vraiment vivre ensemble, collés par nécessité, embrassés d'amour.
nous sommes des rêveurs aux semelles de voix ; que la Terre entière soit notre terrain de jeu et d'expérience, je veux voir le monde avec des yeux d'enfants, parler aux hommes avec naïveté, les aimer tous. rien ne nous peut faire peur : nous sommes voyageurs aux yeux grands ouverts, aux pas plus longs que les continents aux mains ouvertes pour y accueillir n'importe qui ; nous sommes nus, pauvres de tout, avides de beautés pures
des embrasseurs de chimères, des gobeurs de braises.

dimanche 17 octobre 2010

Des assoiffés d'azur des poètes des fous




30 juillet :

Et quand vient le moment
De mourir il faut voir
Cette jeune oie en pleurs
C'est la que je suis née
Je meurs près de ma mère
Et je fais mon devoir
Elle a fait son devoir
C'est a dire que Onques
Elle n'eut de souhait
Impossible elle n'eut
Aucun rêve de lune
Aucun désir de jonque
L'emportant sans rameurs
Sur un fleuve inconnu
Et tous sont ainsi faits
Ils n'ont aucun besoin
De baiser sur les lèvres
Et loin des songes vains
Loin des soucis cuisants
Ô les gens bien heureux
Tout à coup dans l'espace
Si haut qu'ils semblent aller
Lentement en grand vol
En forme de triangle
Arrivent planent, et passent
Où vont ils? ... qui sont-ils ?
Comme ils sont loin du sol
Regardez les passer, eux
Ce sont les sauvages
Ils vont où leur désir
Le veut par dessus monts
Et bois, et mers, et vents
Et loin des esclavages
L'air qu'ils boivent
Ferait éclater vos poumons
Regardez les avant
D'atteindre sa chimère
Plus d'un l'aile rompue
Et du sang plein les yeux
Mourra. Ces pauvres gens
Ont aussi femme et mère
Et savent les aimer
Aussi bien que vous, mieux
Pour choyer cette femme
Et nourrir cette mère
Ils pouvaient devenir
Volailles comme vous
Mais ils sont avant tout
Des fils de la chimère
Des assoiffés d'azur
Des poètes des fous
 

Regardez les vieux coqs
Jeune Oie édifiante
Rien de vous ne pourra
monter aussi haut qu'eux

Et le peu qui viendra

D'eux à vous
C'est leur fiente
Les bourgeois sont troublés
De voir passer les gueux

samedi 16 octobre 2010

mon nom est cyclope


10 juillet :
je suis tellement différent d'eux, tellement différent même de ce qu'ils attendent de moi, d'un occidental, d'un européen d'un touriste d'un voyageur
tellement loin de tout ça
tellement loin de vous tellement loin d'eux
seul
par bonheur ils ont souvent une surprise amicale, méfiante parfois mais bienveillante
quelquefois malgré tout je suis rejeté, pas assez riche, pas assez arrogant
ils profitent peut-être de ma faiblesse pour se venger de frustration
s'amusent à me voir dormir dehors, me laver dans les fontaines, marcher sous le soleil


mais la plupart m'offrent à manger à boire
le plus important m'offrent à parler, à rire à aimer
la plus drôle pour eux c'est l'appareil photo
qui les étonne, ils s'habituent quand même
et puis dans leurs souvenirs je reste le géant avec un seul œil

vendredi 15 octobre 2010

Hors du mot la vie


22 juillet :
Le voyage : essentiellement la perte du code, du repère - comme on dirait un repère de bandits -, la perte du mot.
Dans la perte du code - par le biais duquel on crypterait nos pensées sociales les plus retorses -, dans l'absence vertigineuse hors du conceptualisable, dans le vide, le trou, l'esprit se perd, se libère, accède au corps dans l'immédiateté.
Le corps, la photo, dit alors simplement : je suis.

jeudi 14 octobre 2010

L'identité fatale


22 août :
je n'oublie pas : 
"L'identité fatale de l'amoureux est : je suis celui qui attend."
mais moi je n'attends plus, j'avance, je cours je plonge je fonce peut-être plus qu'il ne faudrait ; je me noie dans le mouvement
j'embrasse la route qui ne s'arrête jamais,
attendant au fond peut-être l'attente

mercredi 13 octobre 2010

One more cup of tea
























19 août :
je ne sais pas combien je pourrai boire ni combien j'ai déjà bu de ces tasses de thé
toujours les mêmes avec toujours le même thé, le goût - vraiment le goût - de la Turquie
si la route avait une texture une odeur une chaleur ce serait celles de ce thé qu'on ne trouve que là-bas et que seuls les inconnus vous offrent
qu'on ne peut pas refuser et qu'ils nous regardent boire sans dire un mot
sans pouvoir dire un mot
seul signe possible de bienvenu de bienveillance et de curiosité
forme rassurante de la Turquie : au plus loin du désert, il y aura toujours un homme sec et silencieux pour vous tendre de ses énormes mains une tasse de thé.

mardi 12 octobre 2010

Cok teşekkür



30 août :
le premier mot qu'on apprend partout :
merci en français
thank you en anglais
grazie en italien
gracias en espagnol
hvala en croate, en slovène et en serbe
blagodarya en bulgare ou en macédonien (благодаря)
köszönöm en hongrois
mulţumesc en roumain
sas ef̱charistó̱ en grec (σας ευχαριστώ)
teşekkür ederim en turc
shkrā en arabe (شكرا)
madloba en géorgien (მადლობა)
shnorhakal yem en arménien (շնորհակալ եմ)

et d'une dizaine d'alphabets dans le monde, j'en ai vu là-bas au moins six...


lundi 11 octobre 2010

gratuité du paysage

1 juillet :
encore une fois c'est le départ et encore une fois je prends des photos. réflexes quasiment mécaniques je dois parfois me brider pour ne pas partir trop vite, ou pour ne pas prendre trop de photos - ma limite, fixée dans la douleur, étant à cent déclenchements par jour -
je n'ai aucune raison pour justifier cela, je ne sais pas pourquoi je pars, je ne sais pas pourquoi j'emporte mon appareil, ni pourquoi je photographie tout ce qui m'entoure. c'est de l'immédiateté, c'est hors de choix, c'est presque physique, c'est du plaisir, c'est gratuit.
je ne sais même pas ce que je ferai de tout ça quand je rentrerai.

dimanche 10 octobre 2010

Jouer les grands les petits

Le propre du jeu est d'abolir les frontières du temps, de l'espace et des individus.

























Le joueur sait que la vie se résume à un jeu, il la provoque de son insouciance ; tout au long de notre existence, l'énergie de la société toute entière se dépensera pour nous faire oublier cette vérité, pour faire de nous des gens sérieux.


La peur de la mort, les angoisses, les jalousies, les haines, les guerres sont dues à la perte de cette notion de jeu qui est - et sera toujours - motrice de tous nos actes mais, enfouie, se donne des habits de sérieux qui mènent à la frustration et à la violence.


 L'espace d'un instant pourtant, on partage le même monde virtuel et on s'échappe des nécessités du quotidien, on franchit les barrières qui faisaient de nous des inconnus.




 Des inconnus donc possiblement des ennemis ; le rire qui nous réunit, la fantaisie et la conscience de transgresser un monde qui n'est pas à notre mesure nous font jouir d'être véritablement ensemble.

samedi 9 octobre 2010

L'air est chargé de guerres de meurtres de cris


7 juillet :
des tirs des impacts et puis des plaques funéraires
l'air d'ici est chargé de violence malgré la joie des gens, malgré l'été qui est magnifique, le ciel bleu malgré tout.
on a tant parlé de la déchirure de la yougoslavie, je ne veux pas en rajouter, juste évoquer la dignité des habitants ici, leur courage, juste dire la tristesse qui est un peu partout, le sentiment d'angoisse qui me saisit quand j'entre en ville, quand j'erre dans les rues parfois trop vides
et la vie qui tisse à nouveau ses liens, et l'été qui crie à nos fenêtres

vendredi 8 octobre 2010

Les mots des camés





29 juillet :
Les gens ici ne possèdent aucune richesse, et pourtant ils sont moins pauvres que nous parce qu'ils sont heureux. C'est un bonheur qui nous est incompréhensible parce qu'il n'est pas tourné vers l'avant, vers le progrès, vers l'Histoire ; il est plus cyclique, à la manière de l'Orient, plus contemplatif et plus calme.
Seulement notre mal est contagieux : la jalousie se propage comme un feu de forêt et nous devons donner envie aux peuples étrangers pour nous prouver que notre course épuisante n'est pas inutile, pour détruire ces façons de vivre qui nous menacent.
Au nom de valeurs faussement humanistes et républicaines, nous propageons l'image de l'Occident comme feraient des dealers, vendant d'abord à vil prix ce que nous feront payer très cher une fois l'addiction acquise.
Nous condamnons le monde à nous ressembler parce que nous sommes les plus contagieux, les plus virulents, les plus violents ; non seulement presque sûrs de les rendre malheureux, nous sacrifions en plus cette génération transitoire qui devra vivre dans l'ancien monde son envie d'un nouveau monde plus coloré plus sucré plus saturé.
Le mode d'être de l'Occident est l'addiction ; son expression est la vitesse ; sa jouissance est l'overdose.

jeudi 7 octobre 2010

Compagnons toujours la route l'angoisse




1 juillet :
"qui nous indiquera l’heure aigre où le thym se meurt de ruse
et fait fondre sa couleur dans l’eau tendre des baisers moqueurs
sur l’arbre les fruits étagent leur bégayement visuel
dehors est blanc
blanc est ton sourire aussi enseigne de ton corps plus blanc que toute expérience
frottant les dents du ciel battant le linge à la rivière
si je me fortifie aux sources indicatrices des libellules de fer c’est que
et si je m’égare c’est que je
chevaucheuse de cascades le temps a couru ses risques et les primes
je fus plus fort et l’autrefois fut mon compagnon de marbre
les poings des arbres morts se lèvent encore
et contre l’automne du firmament livrent
c’est mon espoir"

mercredi 6 octobre 2010

Ce pays est dur aux hommes, bien dur.



11 août :
"les troncs d’arbres portent des mappemondes sans feuilles à leur faîte

les poteaux télégraphiques ont des ailes de mercure aux chevilles
de blancs oiseaux servent de bornes kilométriques
les distances s’envolent à l’envers
et dans les bocaux des volcans les sous-marins défilent en longs colliers de poissons migrateurs
et pourtant dans le train je sens sur mes épaules si longuement meurtries par le désert
le poids du bétail mythologique mené dans les abattoirs du temps serein
les moulins à vent les moulins à tourments
broyant les hyperboréennes régions où sèchent les amours primaires
les langues du ciel fauchant les cheminées des usines maigres
les rivières se penchent à ton oreille et disent la secrète histoire
tous les métiers se sont réunis autour de l’appel prophétique
autour du doigt sur les lèvres du météorologique signal
le museau fleuri de l’arbre renifle l’orage qui vient à pas de loup
et pourtant le train continue à bêcher sur appareil morse à travers pays et voix
foule moelleuse échangeant des paroles en chair et en os
quand la parole est si chère pour ceux qui en ont besoin
parole que j’attends parole en pépites dans l’anfractuosité du port
autour de la ruche de tes douceurs éventuelles
nous sommes de si nombreuses abeilles dont tes promesses ont emprisonné l’envol
et dans la brise chant tendre et salé de ceux qui se sont pendus au ciel
dont les corps ulcèrent le vent et les éventails des haillons frôlent les banquises
la fumée de la machine aboie maintenant et happe le feu ventilateur
la roue de la mort en bateau tels sont les circuits des cerveaux
que tournent sur eux-mêmes l’hélice des humaines douleurs
et tant d’autres et tant d’autres"

mardi 5 octobre 2010

Le non-vouloir-saisir


23 juillet :
je relève de mon livre :
"La souffrance est assumée par lui comme une sorte de valeur. Mais pas du tout au sens chrétien. Au contraire : comme une souffrance qui est pure de toute faute. [...] Oui. La solution
idéale, c'est de se placer dans un état de non-vouloir-saisir. C'est une notion empruntée aux philosophies orientales. "Ne pas saisir" l'objet aimé, et laisser circuler le désir. En même temps, ne pas "sublimer " : maîtriser le désir pour ne pas maîtriser l'autre."

Sin City, ou l'art critique


Pour critiquer l'Amérique, l'Amérique s'arme parfois de moyens redoutablement efficaces. Ce sont les mêmes que ceux qui ont fait sa renommée à travers le monde et que la critique utilise et que la critique vise ; étrange, mais diabolique, idée que de se servir, pour dénoncer ses adversaires, de leurs propres armes et de leur propre intelligence.
C'est cela, ce que Robert Rodriguez a réussi dans ce film où, pour dénoncer la violence et la bêtise des films dits "américains", on assiste à une surenchère de la violence qui, arrivant à saturation et débordant le spectateur, se transforme finalement en dérision et en parodie.
En apparence seulement, car ce serait trop simple si ce film n'était qu'une dénonciation ou qu'une parodie ; car la jouissance du spectateur est belle et bien là : la jouissance indéniable liée à tous les films de guerre, tous les westerns, tous les héros virils et toutes les héroïnes à la plastique idéale. Pour vaincre ce genre de film, le réalisateur a produit le meilleur d'entre eux, mêlant à la fois l'œuvre parfaite d'un certain genre et son dépassement.


L'accomplissement, le refus et le dépassement sont en effet bien présents jusque dans les choix esthétiques du film : le rouge sang atteint la perfection en quantité et surtout en qualité de couleur, on ne peut plus rêver sang ou chair plus rouges, plus puissants et plus fascinants tandis que l'image s'abstrait presque totalement dans un noir et blanc d'un contraste splendide d'où jaillissent des héros hors du commun, et même hors de l'extraordinaire américain.

lundi 4 octobre 2010

S'abandonner dans un courant sans nom


19 juillet :
Notre identité est ici connue, reconnue et redoutée ; nous sommes européens donc riches, donc supérieurs. Pour éviter les rapports de force qui nous placent dans un avantage douteux, il faut mettre toute notre énergie à nous changer et nous transformer ; nous devons absolument, pour réussir notre voyage, inverser le rapport de pouvoir.
Alors nous nous dévêtons de tout savoir - c'est-à-dire de tout mot ou toute notion préalable -, tout argent et toute idée ; nous nous construisons de ceux que nous rencontrons, de ceux qui nous prennent en stop ou nous accueillent. Par un calcul méthodique et méticuleux nous éliminons de nous tout ce qui peut nous constituer en tant que force. Cette fragilité nous permet de trouver les gens, de leur parler et de leur enlever leur masque de méfiance, malgré tous les risques qu'elle implique et toute l'angoisse que, nécessairement, elle charrie.
C'est un choix difficile à prendre, un sacrifice douloureux mais nécessaire à faire pour voyager.
Notre perte est aussi profonde que possible, notre abandon aussi absolu que notre recherche d'humain est avide.

dimanche 3 octobre 2010

Lozère l'ailleurs français

Road-trip en août trois jours avec mon père et mon frère à travers les paysages déchirés et désertiques de la Lozère, photos avec deux appareils jetables. Planches contacts.
Les photos finales, sélectionnées et traitées, sont disponibles à la page "Impression jetables", dans la colonne de droite.










Initiation studio

Première entrée et première pratique dans un studio... Une seule pose et un seul cadrage mais variation des éclairages. Exercice méthodique mais pas nécessairement dénué d'intérêt...

vendredi 1 octobre 2010

Des couleurs des sourires tristes


13 août :
Je suis loin. De plus en plus. Ici ne ressemble plus du tout à mon pays ; je n'y ai aucune marque, aucun répit ou repos. Tout me surprend. La sécheresse du paysage, leur religion très stricte et ces comportements volubiles.
Ces couleurs exubérantes pour cet enfant timide.