20 août :
Hors de l'occident riche, la photographie prend un sens nouveau ; alors que chez nous la plupart des gens refusent d'être photographiés (ou, quand ils ne refusent pas, chargent l'acte lui-même d'un si lourd bagage de responsabilités, de légalité que prendre une photo devient un défi à lui seul), cet homme a voulu que je le photographie, il a exigé de moi que je saisisse son image avec mon appareil. Je lui ai laissé le choix de sa pose, son expression. Il arrive souvent qu'on vous arrête pour faire un portrait ou bien pour prendre un groupe d'enfants ou une famille. Cet homme-là s'est tenu très droit et a fermement fixé l'objectif. Nous n'avons échangé aucun mot ; je suppose qu'il voulait par là témoigner, il voulait que je témoigne de lui, non pas de ses conditions de vie car il était, digne et résolu, fier d'être ce qu'il était, mais plutôt de son existence, il voulait prouver qu'il existait, comme exigeant un reconnaissance d'un monde lointain et mystérieux dont on n'entend là-bas que de vagues rumeurs et dont j'étais le direct représentant. Comme pour prouver qu'il existait - et donc qu'on pouvait exister - hors de la sphère des technologies, des communications, des villes gigantesques ; simplement je prouvais la trace d'une existence, d'une résistance, passive et paisible mais ferme, une résistance au monde qui s'avance.
A moins que, plongeant ses yeux dans mon appareil photo, il ait voulu regarder tout l'occident saisir un peu de ce mystère dont on entend tant parler et qu'on ne voit jamais ; ou que, son visage reproduit par la photographie, nous fixant encore aujourd'hui, depuis la photo, depuis l'écran, il ait voulu nous observer et analyser dans une curiosité enfantine un univers encore inconnu.
voici du beau travail Bob
RépondreSupprimerBeau portrait
Belle pensée
Bel hommage à la photographie
merci
ne sois pas hypocrite, Ruth
RépondreSupprimerLe visage est un peu dans l'ombre. L'homme arbore un discret sourire, presque moqueur. La divergence dans les yeux... Un oeil ici, et l'autre ailleurs. Visage de douleur, visage durci au feu de la douleur mais non pas insensible. Visage piétiné mais non pas écrasé. Car il ne suffit pas de nuire, ni de ruiner, pour anéantir.
RépondreSupprimerIl se trouve toujours des hommes, même nourris de servitude, pour chérir et désirer la liberté. Ce regard est pour moi le regard d'un homme libre.
Ruth est masquée ( et, polyphonique, elle accueille des pensées et déclame pour d'autres qu'elle-même), tu peux la croire hypocrite...
RépondreSupprimerMais sache que j'étais sincère. Cette photographie m'a émue, Lou... Je n'ai rien dit de plus que mon admiration et ma gratitude, mais Etienne a renchéri avec force, et c'est bien ainsi.
Tu réussis bien les portraits d'inconnus en général, mais celui-ci est emprunt d'une puissance vraiment particulière, une vérité intemporelle et indicible comme la présence pure d'une montagne.
Trop bien ! T'as réussi à émouvoir la Ruth ! Ca mérite une médaille !
RépondreSupprimerC'est curieux, Bob, pourquoi elle t'appelle Lou, Ruth ?
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